Maintenir les villes habitables grâce à la nature

Introduire plus de nature en ville est aujourd’hui incontournable pour améliorer la qualité de vie et adapter nos villes au changement climatique. C’est avec plus de nature que nous parviendrons notamment à rafraîchir nos villes durant les pics de chaleur qui vont se multiplier à l’avenir.

Découvrez les enjeux de la politique publique de préservation et restauration de la nature en ville et les leviers et outils mis en place pour y répondre.

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Arnaud Bouissou / Terra

Les enjeux de la préservation et de la restauration de la nature en ville

Pendant des décennies, les pratiques d’urbanisation ont dégradé les milieux naturels et les sols et ont participé à la destruction des habitats pour la biodiversité avec un étalement urbain important, une imperméabilisation excessive des sols et des pratiques du "tout tuyaux" pour la gestion de l’eau. Cette pression anthropique dans l’environnement urbain empêche les espèces sauvages de s’y déplacer pour trouver des zones d’alimentation, de repos et de reproduction, et ne permet plus le brassage génétique entre populations, ce qui impacte la pérennité de l’espèce. 

S’y ajoutent des enjeux en termes de pollutions, y compris lumineuses et sonores. La forte artificialisation des espaces urbanisés les rend par ailleurs particulièrement vulnérables aux effets du dérèglement climatique (vagues de chaleur, sécheresse, ou encore inondations).

92% des Français estiment qu’il n’y a pas assez de nature en ville

Plus de nature en ville, c’est aussi répondre à une demande sociétale : 92 % des Français estiment qu’il n’y a pas assez de nature en ville , 63 % qu’il est prioritaire d’accorder plus de place aux espaces verts et à la végétalisation dans le quartier dans lequel ils vivent. 

Les nombreux cobénéfices de la nature en ville 

Face aux phénomènes d’îlots de chaleur urbains et de ruissellement, la renaturation peut permettre de rafraîchir les villes et de limiter les impacts des inondations. La présence d’espaces arborés dans les villes peut faire baisser localement la température de 3 à 5˚C grâce à l’ombrage apporté et à l’augmentation de l’humidité de l’air par évapotranspiration.

La présence de nature en ville contribue également à l’atténuation du changement climatique, grâce au stockage du carbone par les sols et les végétaux et en particulier les arbres. Elle est aussi un levier d’amélioration de la santé et du bien-être individuel : assainissement de l’environnement par la filtration et l’absorption de certains polluants, lieux privilégiés de la pratique d’activités physiques, amélioration de la santé mentale.

Les espaces de nature publics ou collectifs ont aussi une fonction sociale majeure. Les parcs et jardins sont le cadre commun d’usages récréatifs et d’interactions sociales, d’un brassage entre toutes les catégories de population. Ils sont supports de projets collectifs qui peuvent stimuler l’attachement partagé à son quartier et l’engagement local (dans des projets d’agriculture urbaine par exemple).

Dans l’environnement urbain, l’espace de nature apporte enfin une qualité paysagère, qui façonne l’identité et l’attractivité d’un territoire et améliore les conditions de vie des citadins.

De la ville dans la nature à la "nature en ville"

Jusqu’au Moyen-Age, le sujet de la nature en ville se pose peu : les villes sont souvent petites et compactes et la nature accessible à ses alentours. Du 17e au 19e siècle, les villes grandissent et les bienfaits physiques et moraux de la nature sont reconnus. Mais l’approche hygiéniste tend à l’isoler, la canaliser : la nature devient un "équipement urbain" technique, décoratif mais contrôlé.

Depuis la fin du 20e siècle, les services écosystémiques sont de plus en plus documentés et reconnus. On cherche à réintégrer la nature dans les villes, avec des préoccupations de réparation des dégâts causés par l’homme, d’adaptation au changement climatique, de préservation de la biodiversité et de revitalisation du lien social.

Un contexte réglementaire favorable

L’arsenal réglementaire au niveau national et européen a été renforcé pour encourager les projets de nature en ville. Le règlement européen relatif à la restauration de la nature adopté en août 2024, a pour objectif d'accélérer la restauration des écosystèmes. L’article 8 de ce règlement porte notamment sur les écosystèmes urbains, pour lesquels le règlement implique le maintien d’ici 2030, puis l’accroissement des surfaces végétalisées en ville jusqu’à des seuils satisfaisants. 

La déclinaison de ce règlement au niveau national s’inscrit dans l’une des 26 actions prioritaires du Plan national nature en ville 2024-2030. Ce plan porte trois ambitions fortes : lutter contre l’effondrement de la biodiversité, l’adaptation des villes au changement climatique et l’amélioration de la santé et de la qualité du cadre de vie des citadins. Le Plan cherche à faire de la nature une composante essentielle de l’aménagement urbain et repense le rapport au vivant pour lui redonner toute sa place. 

Enfin, la mesure 21 de la stratégie nationale biodiversité 2030 est dédiée à la nature en ville. 

Les outils proposés aux collectivités

La mesure « Renaturation des villes et des villages » du Fonds Vert est un levier financier actionné dès 2022 par le Gouvernement, qui aide les collectivités à réaliser leurs projets de renaturation des sols, de végétalisation des bâtiments et équipements publics, ou de restauration des milieux humides et aquatiques. 290 millions d’euros de subventions ont été attribuées à près de 2000 dossiers pour les années 2023 et 2024. 

L’outil Sésame, développé par le Cerema avec l’accompagnement de la ville de Metz, pour aider les collectivités à planter les espèces les plus appropriées en fonction des caractéristiques et contraintes locales. Cet outil est aujourd’hui mis à disposition de toutes les collectivités quelle que soit leur taille. 

« Plus fraiche ma ville », développé par une startup d'État portée par l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), en partenariat avec l'association des maires de France (AMF) et l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), pour aider les collectivités dans le choix de solutions de rafraîchissement urbain pérennes et durables.

L’outil cartographique « Zones climatiques locales » (LCZ), développé par le Cerema pour aider les collectivités à identifier les quartiers les plus exposés au phénomène d'îlot de chaleur dans les grandes zones urbaines du pays et permettre de prioriser les secteurs d’intervention, notamment pour y développer de la renaturation.

Le soutien de la recherche, de l’innovation et de pratiques exemplaires

Le programme de recherche Biodiversité, Aménagement Urbain et Morphologie (BAUM), lancé Le Plan urbanisme construction architecture (PUCA) dans le but de contribuer à mieux évaluer l’impact des constructions et des villes sur les écosystèmes, en milieu urbain. 

Le programme de Recherche-Action ERABLE, raconter le vivant pour agir, porté par le GIP EPAU : il mobilise les Elus, en les accompagnant dans la construction d’une mise en récit locale de la biodiversité, et en encourageant les initiatives pour inventer des solutions pour préserver la biodiversité dans les projets locaux.

Le projet de recherche MUSE, piloté par le Cerema a pour objectif d'intégrer les fonctions des sols dans les documents d'urbanisme. Il propose une méthodologie permettant d’estimer et de cartographier 4 fonctionnalités exercées par les sols et un indicateur de multifonctionnalité basées sur les données issues des Référentiels Régionaux Pédologiques à l’échelle du 250 000ème.

Le Ministère de la Transition écologique est partenaire du concours « Capitales françaises de la biodiversité », porté par l’Agence régionale de la biodiversité Ile-de-France et l’Office français de la biodiversité, qui valorise et diffuse les meilleures actions réalisées par des communes et intercommunalités françaises en faveur de la biodiversité.

Jamais la question de la nature en ville ne s'est posée de manière aussi urgente qu'aujourd'hui, au carrefour de préoccupations de santé publique, de la nécessité d'adapter les espaces urbains aux effets du changement climatique. Cette actualité brûlante ne saurait toutefois faire oublier la longue histoire dont elle constitue l'aboutissement. La place de la nature en ville a été en effet discutée depuis longtemps : elle a fait l'objet de multiples expériences et réalisations. Nos débats actuels doivent quelque chose à cette histoire.

Antoine Picon, directeur de recherches à l’Ecole des Ponts ParisTech, directeur en 2024 de l’exposition "Natures urbaines, une histoire technique et sociale, 1600- 2030", présentée au Pavillon de l’Arsenal à Paris.

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